dimanche 15 novembre 2009

Belgique : on accusa d'abord les voyous (2004)

"Avec ce qui se passe en ce moment, j’ai demandé que l’on mentionne l’antisémitisme dans les slogans, ce que je n’aurais pas fait il y a cinq ans", raconte sa présidente, Michèle Szwarcburt. Il y a eu des ricanements. On nous a répondu que marquer antisémite sur une pancarte, c’était écrire pro-Sharon." La dénonciation du sionisme, fût-il de gauche, est devenue ici une véritable "religion civique", estime Joël Kotek, professeur à l’université libre de Belgique. "C’est tout un climat. Les Belges ont peur de l’islam et n’osent pas le dire, et le dérivatif, c’est l’antisionisme."

Source: Shalom Archav
Des tabous ont sauté en Belgique

ATTAQUES ET MENACES, IMPUTÉES À LA COMMUNAUTÉ MAGHRÉBINE, ONT SUSCITÉ PEU DE RÉACTIONS

Par Marie-Laure COLSON - Libération - Jeudi 19 février 2004

On accusa d’abord les "voyous". En décembre 2001, l’agression physique du grand rabbin de Bruxelles dans le métro passa presque inaperçue. Puis il y eut les engins incendiaires contre les synagogues de Bruxelles et d’Anvers, les tirs contre celle de Charleroi, l’incendie d’une librairie juive, les insultes et les crachats, les caricatures et les tribunes dans la presse... Sans que ces actes clairement antisémites ne provoquent d’autre réaction qu’un émoi mesuré. Et une gêne palpable quand il s’agissait d’en dénoncer les auteurs.

"Il y a encore deux ans, confirme Omar Bergallou, animateur au Mrax (Mouvement contre le racisme, l’antisémitisme et la xénophobie), on hésitait à désigner une population elle-même victime de discriminations. Aujourd’hui, c’est incontournable : la montée de l’antisémitisme concerne l’ensemble de la société belge, mais le passage à l’acte violent est le fait de jeunes issus de la communauté maghrébine."

Il a fallu que se produisent plusieurs faits antisémites graves en moins d’un mois pour que Marie Arena, la ministre de l’Intégration sociale et de l’Interculturalité, et le Centre pour l’égalité des chances et la lutte contre le racisme, un établissement public, réagissent par un communiqué contre ces actes "odieux" et décident de créer une "cellule de veille". Quelques jours auparavant, le 28 janvier, le match de foot en salle Israël-Belgique à Hasselt avait dû être interrompu. La télévision avait montré des supporters hurlant "Hamas, Hamas, tous les juifs au gaz" ou "Mort aux juifs" devant des agents de police imperturbables.

La jeunesse livrée à elle-même
Ancien basketteur reconverti dans le soutien aux jeunes, Chico Kebsi désigne les commerces presque tous marocains qui bordent ce boulevard de Bruxelles menant à la gare du Midi : "Entre 1970 et 1990, les centres-ville ont été abandonnés, les familles maghrébines sont venues s’installer dans un habitat dégradé, la jeunesse a été livrée à elle-même." Le communautarisme a pallié une absence de politique sociale, abandonnée aux associations de terrain. Alimentée par une vision "satellitaire" du conflit au Proche-Orient, la distance s’est muée en détestation. Sur ce même boulevard, à la sortie de l’Athénée Maïmonide, Nathanaël, 15 ans, et ses camarades se sont fait agresser début février. Ce n’était pas la première fois. En mars 2003, une bande les avait pris à partie à la station de tram. Insultés, tabassés. Personne n’avait bougé. "Cette fois, quand on est sortis de l’école, ils étaient de l’autre côté de la rue. Ils ont commencé à nous traiter de "Sales juifs de merde" et à nous cracher dessus. Les gardes de l’école les ont dispersés. Mais, plus loin, ils avaient téléphoné à leurs copains et ils étaient une dizaine, avec des bâtons et des barres de fer." L’un des écoliers a demandé de l’aide à des adultes, en vain. Nathanaël, comme la dernière fois, est allé à la police pour porter plainte. Il n’a toujours pas pu déposer.

"L’antisémitisme de la communauté maghrébine est virulent, mais on ne peut pas dire que ce soit un coup de tonnerre dans un ciel serein", dit Maurice Einhorn, de l’association Dialogue et Partage. "J’ai été élevé dans une école flamande. Tous les juifs étaient mis d’office dans les mêmes classes, et les remarques antisémites des profs étaient fréquentes." La sortie récente du cardinal Joos dans un journal flamand, expliquant que Bill Clinton n’avait pu être élu que grâce "au grand capital et aux juifs", montre aussi que, dans un pays qui n’a jamais abordé la question de ses responsabilités dans la politique nazie de déportation des juifs, des tabous ont sauté. Pour Omar Bergallou, le ciel n’était pas non plus si serein avant la deuxième Intifada. "ça existait avant ! Les anciennes générations ont vécu le conflit israélo-arabe de 1967 et ont transmis leur ressentiment. Dans les bistrots maghrébins aujourd’hui, on ne discute pas des accords de Genève, mais de la légitimité de l’Etat d’Israël. On tient des discours qui valorisent Hitler, qui diabolisent les juifs, les homosexuels et parfois les femmes."

François Sant’Angelo, du Centre pour l’égalité des chances, observe une montée simultanée de l’islamo-phobie et de l’antisémitisme. "Ceux qui passent à l’acte sont une minorité, une population désespérée qui s’attaque à une population plus faible." Plus faible en nombre surtout, 30 000 personnes environ. La communauté maghrébine, forte de 200 000 à 300 000 personnes, est un réservoir d’électeurs autrement plus intéressant. "Les mosquées sont les seuls éléments organisateurs de la communauté, souligne Omar Bergallou. Ici, aux élections communales, il suffit que l’imam donne une consigne de vote."

Départ pour Israël
Depuis sa création il y a quarante-cinq ans, le Centre communautaire laïc juif est de tous les combats de la gauche et, à ce titre, le Front antifasciste l’avait sollicité pour une marche contre l’extrême droite le 24 avril. "Avec ce qui se passe en ce moment, j’ai demandé que l’on mentionne l’antisémitisme dans les slogans, ce que je n’aurais pas fait il y a cinq ans", raconte sa présidente, Michèle Szwarcburt. Il y a eu des ricanements. On nous a répondu que marquer antisémite sur une pancarte, c’était écrire pro-Sharon." La dénonciation du sionisme, fût-il de gauche, est devenue ici une véritable "religion civique", estime Joël Kotek, professeur à l’université libre de Belgique. "C’est tout un climat. Les Belges ont peur de l’islam et n’osent pas le dire, et le dérivatif, c’est l’antisionisme."

Vincent a décidé, lui, de jeter l’éponge. Il assistait en juin dernier aux funérailles de la mère de son professeur de fac, un homme connu et respecté. Le cortège qui sortait de la morgue, située dans un quartier d’immigrés maghrébins, est passé devant les grilles d’une école primaire. "Des enfants de 7 ans ont crié "Mort aux juifs". Les enseignants qui étaient avec eux n’ont pas réagi. ça a été l’événement de trop." Cet universitaire de 39 ans a vendu son appartement et part à la fin du mois pour Israël.

- 2009 : Nazification d'Israël et déferlement antisémite dans les rues de Bruxelles

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