jeudi 25 mars 2010

La dérive des pro-Palestiniens, par Michaël Ghnassia

"Selon la campagne BDS, il y aurait 7 millions d'Israéliens-coupables qui opprimeraient 11 millions de Palestiniens-victimes obligés de vivre (y compris les Palestiniens de l'étranger) "une ségrégation quotidienne". En revanche, pas un reproche, pas une ligne, pas un mot sur le Hamas, le Hezbollah, la Syrie ou l'Iran, qui n'admettent toujours pas l'existence d'un Etat différent au cœur du Moyen-Orient."

Voici un article qui, hélas, ne paraîtra jamais dans la presse belge, où seul le son de cloche anti-israélien règne en maître.  (Pierre Galand soutient la campange BDS)

Source: Le Monde (24/03/10)

Une campagne BDS – pour Boycott-Désinvestissement-Sanctions – tente de s'implanter en France contre l'Etat d'Israël, en incitant les Français à boycotter les personnes et les produits provenant de ce pays.

Initiée par des organisations ou des personnalités propalestiniennes, et soutenue par certains partis politiques, elle vise les citoyens israéliens (universitaires, chercheurs, sportifs, cinéastes, écrivains) et produits provenant des compagnies israéliennes (nouvelles technologies, fruits et légumes, couches et lingettes pour bébés, cosmétiques, livres, films, spectacles de danse et musicaux, œuvres d'art, médicaments…). Des listes de produits sont mêmes proposées, les organisateurs s'étant pour le moment abstenus de mettre en ligne des listes de noms.

Présentée comme une action citoyenne et non-violente, il s'agit en fait d'une provocation à la discrimination en raison de la nationalité, délit puni d'un an d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende par l'article 24, alinéa 8 de la loi du 29 juillet 1881. Si elle est suivie d'effets, les articles 225-1 et 225-2 2° du Code pénal prévoient des peines pouvant aller jusqu'à trois ans d'emprisonnement. Plusieurs condamnations ont déjà été prononcées, notamment par la plus haute juridiction française dans un arrêt du 28 septembre 2004 (pourvoi n°03-87450), sur le même fondement que celui qui condamne la préférence nationale défendue par le Front national. Il n'y a donc rien d'étonnant, contrairement à ce que tente de faire croire certain (voir l'opinion de M. Etienne Tête publié sur Le Monde.fr le 26 février 2010), à ce que la Cour européenne des droits de l'homme confirme de telles décisions.

Mais au-delà d'une infraction pénale, le boycott promu par la campagne BDS est une hérésie morale. Il s'agit de réinstaurer au XXIe siècle une punition disparue depuis des millénaires dans nos sociétés : la "punition collective". "On ne fera point mourir les pères pour les enfants, on ne fera point non plus mourir les enfants pour les pères, mais on fera mourir chacun pour son péché", disait déjà la Bible (Deutéronome, 24.16). La justice des hommes s'est construite sur ce principe de la responsabilité individuelle, qui est aujourd'hui un droit fondamental à valeur constitutionnel, consacré par la Déclaration des droits de l'homme et l'ensemble des conventions internationales. Or, ici, en prétendant combattre l'injustice par des moyens illégaux, en mettant au banc de l'humanité l'ensemble des citoyens d'un pays, les propalestiniens ne font qu'encourager la haine et la violence à leur égard.


Quant aux explications fournies pour tenter de justifier cette campagne, elles sont mensongères. La campagne BDS laisse croire que les produits boycottés proviendraient des "territoires palestiniens", ce qui est faux sauf à considérer que l'ensemble de l'Etat d'Israël est une colonie. En outre, elle prétend que le boycott ne viserait pas à "discriminer une population", "la société israélienne ni les individus qui la composent", tout en demandant un boycott généralisé des produits et des Israéliens, accusés sans distinction de cautionner "activement ou passivement, l'oppression de l'Etat d'Israël". Or, 20 % des Israéliens sont des Arabes d'origine palestinienne, musulmans ou chrétiens, qui seraient directement visés par ce boycott. Et, selon de récents sondages, 75 % des Israéliens soutiennent la tenue de négociations avec les Palestiniens, 47 % considèrent que le gel des implantations est important et trois Israéliens sur quatre estiment que la perpétuation de la situation actuelle, sans progrès politique en direction des Palestiniens, est une mauvaise chose pour Israël, autant d'opinions partagées par une majorité d'Israéliens, ce qui ne semble pas permettre de les épargner de la vindicte des boycotteurs.

L'objet de cette campagne-propagande n'a finalement pour but que de réduire une nation, composée d'individus aux opinions et aux engagements aussi différents que ceux qui peuvent exister en France, en un unique ennemi désincarné et sans humanité : l'"Israélien" ou le " sioniste ". Aujourd'hui, selon la campagne BDS, les Israéliens ne méritent plus aucune considération en tant qu'individu car ils sont chacun d'eux l'incarnation du "colon raciste". Demain, ce seront les "sionistes" du monde entier qu'il faudra boycotter comme étant les complices des Israéliens. Et après-demain, à qui le tour ?

Cette volonté de stigmatiser les individus est renforcée par une campagne de délégitimation de l'Etat d'Israël, notamment par le recours à des chronologies tronquées, des informations erronées et une dérive sémantique. Ainsi, les militants de la campagne BDS n'hésitent pas à s'autodésigner comme des "Justes" par référence aux "Justes parmi les nations" qui sauvèrent des juifs au péril de leur vie pendant la dernière guerre mondiale. Ils font référence aux "ordres iniques" de la ministre de la justice qui demandent des poursuites à leur encontre et illustrent leur site Internet de fils barbelés. Tout cela ne sert qu'un dessein : renvoyer le sort des Palestiniens à l'extermination des juifs d'Europe. On est ici dans une totale schizophrénie, où la campagne BDS tout en se défendant de tout antisémitisme, cultive insidieusement "l'enseignement du mépris" de l'Etat juif et de ses citoyens.

Ainsi, selon la campagne BDS, il y aurait 7 millions d'Israéliens-coupables qui opprimeraient 11 millions de Palestiniens-victimes obligés de vivre (y compris les Palestiniens de l'étranger) "une ségrégation quotidienne". En revanche, pas un reproche, pas une ligne, pas un mot sur le Hamas, le Hezbollah, la Syrie ou l'Iran, qui n'admettent toujours pas l'existence d'un Etat différent au cœur du Moyen-Orient.

Si une telle campagne discriminatoire à l'égard de tout un pays devait prendre, il en serait fini de toute possibilité de vivre-ensemble. En effet, pourquoi boycotter les Israéliens et ne pas boycotter les Russes pour les exactions en Tchétchénie et en Géorgie, les Américains pour la prison de Guantanamo et les occupations de l'Irak et de l'Afghanistan, les Iraniens pour les répressions faites aux femmes et aux homosexuels, les Chinois pour l'occupation du Tibet et les Français pour la rétention et l'expulsion des mineurs étrangers.
La défense d'un peuple et de son droit à l'autodétermination doit pouvoir se passer de la provocation à la haine et à la discrimination d'un autre peuple. Si les pro-Palestiniens souhaitent encourager la paix dans cette région, ils ne devraient pas inciter les Français à discriminer les Israéliens ou "à soutenir des institutions (…) palestiniennes, sans exiger en retour qu'elles développent un partenariat avec des organisations israéliennes". Au contraire, nous devrions promouvoir toutes les initiatives qui permettent aux Israéliens et aux Palestiniens de renouer le dialogue, de vivre, de produire et de créer ensemble, en Israël, en Palestine et dans le monde.

A défaut, les boycotteurs auront gagné, mais l'humanité sera anéantie.

Michaël Ghnassia est avocat au barreau de Paris.

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