vendredi 7 janvier 2011

Le CCLJ se trompe sur le nombre de Juifs qui quittent la Belgique

Le CCLJ (Centre communautaire laïc juif) publiait le 5 janvier un court article sur le nombre croissant de Juifs qui choisissent de s'installer en Israël (19.130 personnes en 2010 contre 16.465 en 2009 et 15.452 en 2008).  Sous la plume de Oury Wesoly, ce phénomène ne donne malheureusement pas lieu à une analyse, mais à une critique contre"la droite juive" qui selon lui tiendrait "absolument à démontrer que les communautés d’Europe fuient en masse le tsunami antisémite qui déferle, selon elle, sur le Vieux Continent. Elle brandit donc des pourcentages effectivement impressionnants… en eux-mêmes".

Et d'avancer ironiquement les statistiques - il est vrai - impressionnantes en pourcentages - mais modestes, à première vue, en nombres:

"Par exemple : 30% de hausse pour la Suisse ! Dingue, non ? Sauf qu’il s’agit de 124 personnes au lieu de 94. De même pour l’Italie : 25% ! (110 contre 89…) Sans oublier un prodigieux 63 % pour la Belgique : 250 émigrés contre 152, l’an passé."

En concluant :
"Sachant que le judaïsme belge tourne autour de 30.000 âmes, on voit qu’à ce rythme, d’ici moins d’un siècle, tous les Juifs de notre pays auront fui la terreur ambiante."

Or il faudrait y ajouter les Juifs qui quittent la Belgique pour s'installer aux Etats-Unis, en Australie, au Canada.  Sont-ils 250 ? 500 ? 1.000 ?  Dans l'hypothèse la plus basse qui envisagerait le départ vers différentes destinations de 500 Juifs de Belgique par an, on arrive à une perte de 5.000 Juifs sur dix ans.  Ce qui est un nombre impressionnant pour une population de 30.000.  S'agit-il vraiment un épouvantail brandi par la droite ?
 
Rappelons-nous de l'excellent (mais hélas court) reportage de la RTBF sur le départ des Juifs de Belgique dont nous reproduisons la transcription ci-dessous:

"Deux cent familles juives de Belgique ont cette année décidé de quitter la Belgique pour aller s'installer en Israël, en Australie, en Suisse [aux Etats-Unis ?, au Canada ?].  En 2009 elles étaient 100; c'était deux fois moins.  Une immigration qui ne surprend pas les organisations juives. Selon elles les faits d'antisémitisme augmentent. Certains Juifs ne se sentent plus réellement en sécurité chez nous. Ils parlent souvent d'abandon par les autorités et d'un climat malsain, de crainte mais aussi de doutes.

Julie Morel: Le déménagement se prépare. Dans deux semaines ce trentenaire, liégeois d'origine, s'installera en Israël. une opportunité professionnelle s'est présentée. Elle tombait à pic pour ce Juif qui trouve le climat en Belgique de plus en plus malsain.

Thomas Dratler: "Je sais que ça va vous surprendre, mais je me sens plus en sécurité en Israël qu'à Bruxelles en tant que Juif." Thomas Dratler nous l'explique, cela n'a rien de paradoxal: "Les synagogues sont les seuls lieux de culte qui sont protégés par les forces de l'ordre en permanence. Les écoles juives sont les seuls établissements confessionnels qui sont également protégés par les forces de l'ordre. Et puis, vous savez, quand j'étais jeune tous les mouvements de jeunesse juifs à l'époque se retrouvaient au parc de Forest pour s'adonner à des jeux en plein air, des jeux de balle et autres. Aujourd'hui ce n'est plus possible. Pourquoi? Parce qu'il ne faudrait surtout pas heurter les populations locales. Je parle beaucoup plus facilement avec des Arabes en Israël qu'en Belgique".

Emy Sosnowski va aussi immigrer à Tel Aviv attirée par une retraite au soleil, mais surtout désespérée par l'antisémitisme qui, selon elle, progresse dangereusement. Emy veut notamment attirer notre attention sur les propos récents de Frits Bolkestein, ancien Commissaire européen: "Il a demandé aux Juifs conscients de quitter - ça peut être le Canada, les Etats-Unis, Israël. Mais de quitter la Hollande. Un Commissaire européen pour qu'il dise ce genre de choses c'est qu'il y a eu des faits graves". Emy Sosnowski est la veuve du Professeur Wybran, assassiné en 1989 sous l'ordre d'Abdelkader Belliraj [1]. Aujourd'hui elle refuse de se positionner en victime. Elle préfère fuir. "Mon père est sorti de cinq ans d'Auschwitz, ma mère a été libérée par un des membres de la liste de Schindler, mon mari a été assassiné parce qu'il était le représentant du Comité de coordination des organisations juives de Belgique [2]. Ça fait un peu beaucoup."

Ce sentiment est-il largement partagé dans la communauté juive? Difficile à estimer. Le Centre pour l'Égalité des Chances note en tout cas une augmentation du nombre de signalements d'actes antisémites. "Il a augmenté en 2009 de façon tout à fait significative et de façon tout à fait inquiétante lors du conflit de Gaza, donc aux mois de janvier, février, mars 2009. On peut dire, sans doute, que l'importation du conflit israélo-palestinien libère des pensées nauséabondes chez certains et lève des inhibitions et qu'on se laisse aller plus facilement à des propos antisémites." [déclaration d'Edouard Delruelle, Directeur adjoint du Centre].

En 2010, 200 familles juives ont quitté la Belgique, rarement pour une seule raison, on l'aura compris, mais l'antisémitisme semblerait jouer un rôle important dans ces choix."

[1] C'est grâce aux autorités marocaines que vingt ans après l'homme fut arrêté, jugé et son réseau démantelé islamiste (Abdelkader Belliraj condamné à la perpétuité, DH).
[2] L'actuel président du CCOJB est le frère d'Emy Sosnowski, le Professeur Maurice Sosnowski, qui emmena une délégation de journalistes en Israël qui donna lieu à des moqueries de la part du quotidien Le Soir (Un journal belge ridiculise un dirigeant de la communauté juive).

Une lectrice ce blog nous a signalé qu'à l'instar de la RTBF, la presse flamande prend également au sérieux ces départs: Joden verlaten ons land (Nieuwsblad).

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