mardi 20 avril 2010

Parlez 'Khmers Rouges', Jean Bricmont et Anne Morelli répondent 'Israël'

Reçu d'Aldo-Michel Mungo

"Dans la carte blanche du jeudi 18 mars 2010 publiée par le journal Le Soir, A.B. rappelait le soutien actif de certains intellectuels belges au régime communiste des Khmers rouges, coupables de l’élimination de près de 2 millions de Cambodgiens. A la tête de ces belges figurait le professeur François Rigaux, académicien belge et parrain du Tribunal Russell II sur la Palestine [mis sur pied par Pierre Galand]. Défenseur des droits de l’homme autoproclamé. [François Rigaux, soutien des Khmers Rouges, anti-israélien et couvert d'honneurs ...]

Dans leur carte blanche du vendredi 2 avril 2010 parue dans le même journal, les professeurs Anne Morelli et Jean Bricmont, se revendiquant eux-mêmes d’appartenir à l’extrême-gauche, prétendent livrer une réponse à la carte blanche d’A.B. Ils y minimisent amplement la portée idéologique des crimes des Khmers rouges, déresponsabilisant de ce fait leurs amis belges et profitant de cette tribune pour lancer des accusations envers les Etats-Unis d’Amérique et Israël. ["A une époque où des pays européens envoient leurs troupes servir de supplétifs aux Américains en Afghanistan et en Irak, intensifient leurs menaces contre l’Iran et appuient Israël dans ses guerres contre les Palestiniens ou les Libanais, une telle mobilisation est plus nécessaire que jamais."].

D’un commun accord avec Le Soir, la réponse d’A.B. à l’argumentaire de Morelli et Bricmont ne paraîtra pas dans ses colonnes afin d’éviter qu’elles deviennent le théâtre d’une polémique. Ceci n’empêche en rien la diffusion de la réponse d’A.B. qui démonte la rhétorique de la carte blanche de Morelli et Bricmont.

La carte blanche initiale d’A.B.  La "réponse" d’Anne Morelli et de Jean Bricmont: Khmers rouges : au-delà du repentir)

Les Khmers rouges, leurs amis et les raisonnements fallacieux

Dans leur carte blanche du 2 avril, les professeurs Anne Morelli et Jean Bricmont prétendent répondre à ma précédente carte blanche intitulée "Les Belges qui ont soutenu les Khmers rouges doivent sortir de leur silence".

D’emblée, la confusion sémantique s’installe, avant de virer à l’argument ad personam : demander aux amis belges des Khmers rouges de s’expliquer revient à tomber dans la repentance, à chercher des âmes perdues, bref, à être un chrétien, limite un légat du pape. Entamer son argumentaire en jetant l’opprobre, à la limite de la diffamation, est une technique qui déshonore ceux qui l’emploient.


Les auteurs donnent en exemple des pratiques d’excuses prononcées par les actuels représentants d’institutions en raison des agissements douteux voire criminels commis par le passé par ces mêmes institutions. Il y aurait comme un fardeau pesant sur l’institution au point que des générations après, leurs dirigeants s’estiment être obligés de s’excuser envers des victimes souvent disparues. La pratique est en effet discutable en ce qu’elle crée une responsabilité intergénérationnelle sans fin, au nom d’une culpabilité intemporelle.

Ceci n’a évidemment rien à voir avec le fait de souligner que des Belges aient été parmi les rares visiteurs admis au Cambodge en plein massacre délibéré de son peuple par ses dirigeants communistes. Ignorer ce voyage revient à minimiser la portée de cette "ballade" champêtre au Kampuchéa "démocratique" et l’absence totale de recul critique devant les violations de droits de l’Homme dont ces visiteurs ont été témoins d’une façon ou d’une autre. Cela n’a non plus aucun rapport avec la demande d’explications. S’expliquer n’est pas s’excuser. Morelli et Bricmont estiment qu’on devrait plutôt demander des excuses de la part des Etats-Unis d’Amérique. Outre qu’il y a là distorsion des faits historiques en tentant d’amalgamer les responsabilités diverses pour des faits commis à des moments différents, Morelli et Bricmont tombent dans la posture qu’ils prétendent dénoncer. Ce n’est à personne, hormis au peuple cambodgien et aux rescapés, de demander des excuses. C’est pourquoi ma carte blanche parlait d’explications, car il est interpellant qu’on ait pu soutenir délibérément un tel régime et même, pour le président des militants belges, devenir ensuite un expert des droits de l’Homme ! Gunnar Bergström, homologue suédois des amis belges des Khmers rouges, est sorti de son silence parce que le journaliste Peter Fröberg Idling a mené une enquête sur l’association Suède-Kampuchéa. Le résultat de ses recherches a été publié sous forme d’un livre intitulé Pol Pot’s leende ("Le sourire de Pol Pot", disponible en traduction néerlandaise en Belgique), déclenchant un débat en Suède autour de la collaboration intellectuelle avec un des pires régimes du XXe siècle. Il n’y a qu’en Belgique qu’une telle loi du silence règne, contre vents et marées, comme s’il était banal qu’un pareil régime ait eu des relais, certes restreints, dans notre pays.

Morelli et Bricmont feignent d’ignorer les nombreuses vagues de protestations émises dès 1975 en raison des nombreuses violations des droits de l’Homme commises par le nouveau régime khmer rouge. La cause n’était pas "lointaine et incomprise" - à partir de quand et dans quels cas est-elle alors proche et comprise ? – le soutien à l’idéologie même des Khmers rouges contredisant la légèreté du militantisme que veulent dépeindre Morelli et Bricmont. Le bulletin édité l’association Belgique-Kampuchéa au retour du "fameux" voyage sur invitation de Pol Pot, et présenté lors d’une conférence de presse le 14 septembre 1978, n’est qu’un panégyrique où le dogmatisme n’a aucun égard envers les nombreux récits des réfugiés, déjà rescapés des champs de la mort. L’adhésion des militants belges allait jusqu’à embrasser les idées du régime, non à le soutenir par réaction à un impérialisme. Suggérer le contraire revient à dédouaner des amitiés sinistres. Le comportement contestable de certaines puissances ne justifie en rien l’adhésion, même épidermique, à des idéologies visant à l’éradication de groupes entiers d’une société donnée.

En versant dans leur rhétorique habituelle, Morelli et Bricmont éludent le débat qu’appelait ma carte blanche, à savoir le questionnement autour de l’engagement idéologique des "intellectuels". Outre qu’on puisse largement s’interroger sur l’attribution d’un pareil qualificatif à certains mais pas à d’autres, il faut cesser de minimiser la portée idéologique des crimes des régimes communistes. Car en mélangeant le soutien américain aux Khmers rouges après 1979, sous l’administration Carter d’abord, et le "génocide" - les guillemets sont de rigueur car le terme est juridiquement inapproprié – on fait des Etats-Unis ceux qui auraient armé le bras des Khmers rouges avant 1975 afin de massacrer leur propre peuple et les Vietnamiens du Cambodge au nom d’une idéologie de l’Homme Nouveau, version maoïste ! Verser dans l’anachronisme et manipuler le passé pour se lancer dans une "croisade" liée à des thématiques actuelles est tout sauf répondre à l’objet de ma carte blanche.

Rappeler les crimes des Khmers rouges n’a rien de désuet ou de ridicule. Non pour verser dans l’incrimination de leur négationnisme, bien réel chez certains "intellectuels". Non pour se lancer dans un discours anticommunisme primaire, confondant les utopistes, les idéalistes et les réels et conscients partisans des totalitarismes se revendiquant de Marx et ses émules. Mais pour cesser ce refus d’admettre que des personnes aient délibérément soutenu des totalitarismes après la seconde guerre mondiale, et souvent dans le même camp. La fascination pour les régimes antidémocratiques et sanguinaires n’est en effet pas l’apanage d’un seul camp idéologique.

Enclins à verser dans l’argument d’autorité insidieux, en parlant d’un "étudiant en droit" - un numéro de matricule, en somme – les deux auteurs oublient ma seconde casquette, celle de l’étudiant en Histoire. Sans doute parce qu’à leurs yeux, un juriste n’a aucune crédibilité à parler des Khmers rouges. Faut-il être docteur dans une quelconque discipline ou être considéré – mais par qui ? – comme un intellectuel "engagé" pour exprimer une opinion ? Venant de la part de soixante-huitards, cet argument d’autorité est inadmissible. Comment peut-on se revendiquer de l’héritage de mai 68 et abuser à un tel point de cet argument remis en cause par ce mouvement ? Rejeter l’argument d’autorité uniquement quand cela ne les arrange pas est une marque d’incohérence chez Morelli et Bricmont. S’arroger ainsi le monopole de la crédibilité est une posture qu’il convient aussi de désapprouver avec l’énergie et la force de ceux qui osent braver tous les dogmes, y compris ceux tentant de laisser croire qu’on puisse trucider, sans la moindre once de responsabilité, des populations entières au nom de certains principes.


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